:Photographe de l’évidence

Klavdij Sluban est l’invité d’honneur des 21e Rencontres de la jeune photographie internationale. Rencontre avec un photographe singulier qui a fait de l’évidence la ligne directrice de son œuvre et de sa vie.

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Klavdij Sluban est l’invité d’honneur des 21e Rencontres de la jeune photographie internationale. Rencontre avec un photographe singulier qui a fait de l’évidence la ligne directrice de son œuvre et de sa vie.

C’est un pur autodidacte, un indépendant, un solitaire qui présidera aux 21e Rencontres de la jeune photographie internationale. D’origine slovène, né à Paris il y a 52 ans, Klavdij Sluban n’entre assurément dans aucune des cases dans lesquelles on aime ranger les artistes pour mieux définir leur style. Sa manière, c’est l’itinérance, le voyage. Son Graal, l’évidence. Un mot qu’il brandit en leitmotiv : « L’évidence est un mot clé pour moi, parce que c’est aussi une attitude de vie. Pour arriver à l’évidence, c’est-à-dire à une certaine simplicité aussi, il faut beaucoup de temps ». Alors, sac au dos, équipé du strict minimum, il arpente le monde.

" Je n'aime pas la moyenne "
Klavdij Sluban voyage léger, avec un seul boîtier, un Leica M4P, une seule optique de 28 mm. Pas même une cellule pour mesurer la lumière. Un choix qui porte, là aussi, à l’évidence et qui résume son œuvre, rigoureuse et cohérente. « Pour moi, ce n’est pas le Leica qui est important, c’est la forme de l’appareil. Il est discret, manuel, il ne paie pas de mine et il me fait passer pour un amateur ». Une singularité à l’heure du tout numérique. « Pour faire une photo, on n’a besoin que de trois paramètres : la distance, la vitesse et l’ouverture du diaphragme. Tous les appareils qui proposent autre chose ne sont que des zones de confort dans lesquelles on tombe. Une cellule qui mesure une lumière à votre place fera une mesure moyenne qui donnera des photos moyennes. Or, je n’aime pas la moyenne ».

"La réalité n'existe pas..."
L’appareil devient alors anecdotique, presque superflu. « Je ne photographie plus du tout avec l’œil, je suis dans la pure perception. Je suis le premier surpris par ce que je vois sur ma planche contact, parce que je déclenche avant de voir ». Quant au choix du noir & blanc, il devient… évident : « La réalité est en couleur. Donc, la création est une traduction. Or, pour moi, la réalité n’existe pas. Je suis de plus en plus hors chronologie linéaire et je suis dans le subjectif absolu ».

"Le tireur est un alter ego"
Paradoxe, il ne tire pas ses photos. Le tirage ne serait donc pas une suite logique à la prise de vue, l’étape ultime de la création ? « Je lutte pour ma démarche solitaire, elle est primordiale pour moi. C’est une autre évidence. Mais après, le tireur, c’est un alter ego, un interprète. Me demander pourquoi je ne tire pas mes propres photos, c’est comme demander à un compositeur pourquoi il ne joue pas lui-même ses œuvres ou reprocher à un dramaturge de ne pas jouer ses pièces. Avec le tireur, j’ai cette confiance et je sais qu’il comprend ma manière de ressentir les choses ».

« Montre-moi tes photos et je te dirai qui tu es »
Sensible à l’idée de la transmission, Klavdij Sluban a répondu avec enthousiasme à l’invitation des Rencontres de la jeune photographie internationale. Pour lui, qui dit avoir été sauvé par l’école, c’est un juste retour : « Je me rappelle cet instituteur, que je chérit encore maintenant, qui m’a donné goût à la langue française. C’est aussi pour ça que la transmission m’est si importante ».
On imagine combien va être intense sa rencontre avec les huit jeunes photographes en résidence à la Villa Pérochon. Sa méthode ? Ne pas en avoir. « Ce n’est pas le savoir que je transmets, c’est mon expérience. Je n’ai pas de recette. Je n’enseigne rien, mais je pose à voix haute les questions que je me pose à moi-même. Ça mène chacun à se retrouver. En général, les gens sortent de mes ateliers bouleversés parce qu’ils ont été confrontés à eux-mêmes. Montre-moi tes photos et je te dirai qui tu es ».


Repères

  • 1963. Naissance à Paris.
  • 1970. Retour en France. Du village slovène à la ville française, se créé une fêlure qu’il essaie toujours de colmater par le biais de la création.
  • 1977. Commence la photo à 14 ans, avec une évidence qui l’étonne encore aujourd’hui.
  • 1989. Naissance de son fils Marko.      
  • 1991. Dislocation de la Yougoslavie. « Ça m’a profondément bouleversé, affecté ».
  • 2015. Invité d’honneur des 21e Rencontres de la jeune photographie internationale.